La course contre la montre d’Airbus
Pour tenir son objectif 2024 de livraisons, stratégique pour les marchés, l’avionneur doit doubler ses cadences en décembre. Un défi qui se répète chaque année, au grand dam de toute la chaîne de production.
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- Vincent Lamigeon
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L’avionneur met sous pression toute sa chaîne de production pour atteindre son objectif de livraison annuel, décisif pour les marchés.
Chaque année, c’est la même histoire. Pour tenir son objectif de livraisons d’avions, le chiffre le plus scruté par les marchés financiers, Airbus doit immanquablement mener un sprint redoutable au mois de décembre, avec un doublement de la cadence par rapport aux mois précédents. L’année 2024 ne fait pas exception à la règle : pour arriver à 770 appareils livrés sur l’exercice, le groupe européen doit en transférer 127 à ses clients en quatre semaines, quand il tournait en moyenne à 58 par mois depuis début 2024. « Nous avons un rush de fin d’année très ambitieux devant nous, mais ce n’est pas la première fois », rassurait le patron d’Airbus, Guillaume Faury, le 30 octobre. L’avionneur avait même réussi à livrer 138 appareils en décembre 2019, son record à ce jour.
Chaque année, c’est la même histoire. Pour tenir son objectif de livraisons d’avions, le chiffre le plus scruté par les marchés financiers, Airbus doit immanquablement mener un sprint redoutable au mois de décembre, avec un doublement de la cadence par rapport aux mois précédents. L’année 2024 ne fait pas exception à la règle : pour arriver à 770 appareils livrés sur l’exercice, le groupe européen doit en transférer 127 à ses clients en quatre semaines, quand il tournait en moyenne à 58 par mois depuis début 2024. « Nous avons un rush de fin d’année très ambitieux devant nous, mais ce n’est pas la première fois », rassurait le patron d’Airbus, Guillaume Faury, le 30 octobre. L’avionneur avait même réussi à livrer 138 appareils en décembre 2019, son record à ce jour.
Pourquoi cette brusque accélération à l’approche de la fin d’année? Le phénomène a plusieurs origines. La première, c’est le faible nombre de livraisons en première partie d’année, notamment au premier
Pourquoi cette brusque accélération à l’approche de la fin d’année? Le phénomène a plusieurs origines. La première, c’est le faible nombre de livraisons en première partie d’année, notamment au premier
trimestre, qui fait prendre du retard. « C’est la période de basse saison, avec un trafic très limité dans l’hémisphère nord : les compagnies préfèrent prendre leurs appareils plus tard dans l’année », décrypte Ernest Arvai, président du cabinet américain AirInsight. Les livraisons s’accélèrent ensuite au printemps, en vue de la saison estivale, ralentissent généralement durant les vacances d’été, puis redécollent à l’automne. « Le rush commence en général en novembre, parfois même en octobre, et dure jusqu’au 31 décembre », explique Françoise Vallin, coordinatrice CFE-CGC à Airbus.
trimestre, qui fait prendre du retard. « C’est la période de basse saison, avec un trafic très limité dans l’hémisphère nord : les compagnies préfèrent prendre leurs appareils plus tard dans l’année », décrypte Ernest Arvai, président du cabinet américain AirInsight. Les livraisons s’accélèrent ensuite au printemps, en vue de la saison estivale, ralentissent généralement durant les vacances d’été, puis redécollent à l’automne. « Le rush commence en général en novembre, parfois même en octobre, et dure jusqu’au 31 décembre », explique Françoise Vallin, coordinatrice CFE-CGC à Airbus.
Fournisseurs en difficulté
L’autre grande raison, ce sont les obstacles imprévus qui ralentissent le processus industriel, au grand dam de compagnies clientes qui n’ont jamais eu autant besoin d’avions neufs (lire encadré). Cette année, Airbus a été servi, avec trois crises simultanées au sein de sa chaîne de fournisseurs : des problèmes de production chez un soustraitant du tandem GE-Safran, qui a contraint le duo à réduire ses livraisons de moteurs Leap; des difficultés des fabricants d’aérostructures (éléments de fuselage), comme l’américain Spirit, à tenir le rythme ; et enfin des retards dans les livraisons d’intérieurs d’avions, notamment de sièges, chez les spécialistes du segment (Safran, Collins Aerospace ou Recaro).
L’autre grande raison, ce sont les obstacles imprévus qui ralentissent le processus industriel, au grand dam de compagnies clientes qui n’ont jamais eu autant besoin d’avions neufs (lire encadré). Cette année, Airbus a été servi, avec trois crises simultanées au sein de sa chaîne de fournisseurs : des problèmes de production chez un soustraitant du tandem GE-Safran, qui a contraint le duo à réduire ses livraisons de moteurs Leap; des difficultés des fabricants d’aérostructures (éléments de fuselage), comme l’américain Spirit, à tenir le rythme ; et enfin des retards dans les livraisons d’intérieurs d’avions, notamment de sièges, chez les spécialistes du segment (Safran, Collins Aerospace ou Recaro).
Airbus va-t-il réussir à rattraper son retard? Si la marche reste haute, l’avionneur dispose de quelques atouts précieux. Le premier est l’amplitude de son outil industriel. Quand Boeing n’a que trois usines d’assemblage (deux près de Seattle, Renton et Everett, et une en Caroline du Sud, à Charleston), le groupe européen dispose de cinq usines sur trois continents : Toulouse et Hambourg en Europe, Tianjin en Chine, Mobile (Alabama) et Mirabel (près de Montréal) pour le petit A220, l’ex-CSeries racheté au canadien Bombardier. Ces sites lui permettent de monter, en cas de besoin, jusqu’à une dizaine d’avions livrés par jour. Deuxième atout dans la manche de Guillaume Faury : l’avionneur européen va pouvoir compter sur un coup de pouce de CFM, la coentreprise de GE et Safran qui assemble le moteur Leap des A320neo. A l’issue d’une discussion assez animée, celle-ci a accepté de livrer à Airbus des moteurs, initialement de rechange pour certaines compagnies aériennes. « Dans un contexte de “ramp-up” (montée en cadence) difficile, nous avons plutôt, ces dernières semaines, alloué des moteurs à Airbus, pour lui permettre de livrer le plus d’avions possible », confirmait fin novembre Olivier Andriès, le patron de Safran. Ces réacteurs ont notamment équipé les quelques appareils jusque-là cloués au sol – les « planeurs », selon l’expression de Guillaume Faury –, pour accélérer la cadence.
Airbus va-t-il réussir à rattraper son retard? Si la marche reste haute, l’avionneur dispose de quelques atouts précieux. Le premier est l’amplitude de son outil industriel. Quand Boeing n’a que trois usines d’assemblage (deux près de Seattle, Renton et Everett, et une en Caroline du Sud, à Charleston), le groupe européen dispose de cinq usines sur trois continents : Toulouse et Hambourg en Europe, Tianjin en Chine, Mobile (Alabama) et Mirabel (près de Montréal) pour le petit A220, l’ex-CSeries racheté au canadien Bombardier. Ces sites lui permettent de monter, en cas de besoin, jusqu’à une dizaine d’avions livrés par jour. Deuxième atout dans la manche de Guillaume Faury : l’avionneur européen va pouvoir compter sur un coup de pouce de CFM, la coentreprise de GE et Safran qui assemble le moteur Leap des A320neo. A l’issue d’une discussion assez animée, celle-ci a accepté de livrer à Airbus des moteurs, initialement de rechange pour certaines compagnies aériennes. « Dans un contexte de “ramp-up” (montée en cadence) difficile, nous avons plutôt, ces dernières semaines, alloué des moteurs à Airbus, pour lui permettre de livrer le plus d’avions possible », confirmait fin novembre Olivier Andriès, le patron de Safran. Ces réacteurs ont notamment équipé les quelques appareils jusque-là cloués au sol – les « planeurs », selon l’expression de Guillaume Faury –, pour accélérer la cadence.
Airbus va-t-il réussir à rattraper son retard? Si la marche reste haute, l’avionneur dispose de quelques atouts précieux. Le premier est l’amplitude de son outil industriel. Quand Boeing n’a que trois usines d’assemblage (deux près de Seattle, Renton et Everett, et une en Caroline du Sud, à Charleston), le groupe européen dispose de cinq usines sur trois continents : Toulouse et Hambourg en Europe, Tianjin en Chine, Mobile (Alabama) et Mirabel (près de Montréal) pour le petit A220, l’ex-CSeries racheté au canadien Bombardier. Ces sites lui permettent de monter, en cas de besoin, jusqu’à une dizaine d’avions livrés par jour. Deuxième atout dans la manche de Guillaume Faury : l’avionneur européen va pouvoir compter sur un coup de pouce de CFM, la coentreprise de GE et Safran qui assemble le moteur Leap des A320neo. A l’issue d’une discussion assez animée, celle-ci a accepté de livrer à Airbus des moteurs, initialement de rechange pour certaines compagnies aériennes. « Dans un contexte de “ramp-up” (montée en cadence) difficile, nous avons plutôt, ces dernières semaines, alloué des moteurs à Airbus, pour lui permettre de livrer le plus d’avions possible », confirmait fin novembre Olivier Andriès, le patron de Safran. Ces réacteurs ont notamment équipé les quelques appareils jusque-là cloués au sol – les « planeurs », selon l’expression de Guillaume Faury –, pour accélérer la cadence.
Le dernier atout d’Airbus, c’est que la plupart des avions à livrer en décembre ont en fait déjà été assemblés au cours des mois précédents, grâce à des équipes envoyées en renfort depuis la fin de l’été. « Nous avons identifié 64 avions déjà prêts, qui seront livrés la deuxième quinzaine de décembre », révèle Ernest Arvai, d’AirInsight. Ces appareils, après leur sortie d’usine, doivent encore être testés par les équipes d’essais en vol d’Airbus, puis vérifiés par les compagnies clientes dans les centres de livraisons d’Airbus.
Cercle vicieux
Reste un problème de taille : même si le groupe réussit à atteindre son quota de livraisons, le même phénomène risque de se présenter l’année prochaine. « Pour tenir son objectif, Airbus demande en décembre un maximum d’équipements à ses sous-traitants, qui vident leurs stocks pour tenir la cadence demandée et connaissent donc un redémarrage plus lent en début d’année », résume un ancien de la maison. Même souci pour les équipes des centres de livraisons : ultrasollicitées en fin d’année, elles prennent leurs vacances au premier trimestre et sont donc en sous-capacité. Le cercle vicieux est bien connu au sein d'Airbus. Chaque PDG successif s’est attelé à mieux lisser les livraisons sur l’année. Aucun n’y est, pour l’instant, vraiment parvenu.
Reste un problème de taille : même si le groupe réussit à atteindre son quota de livraisons, le même phénomène risque de se présenter l’année prochaine. « Pour tenir son objectif, Airbus demande en décembre un maximum d’équipements à ses sous-traitants, qui vident leurs stocks pour tenir la cadence demandée et connaissent donc un redémarrage plus lent en début d’année », résume un ancien de la maison. Même souci pour les équipes des centres de livraisons : ultrasollicitées en fin d’année, elles prennent leurs vacances au premier trimestre et sont donc en sous-capacité. Le cercle vicieux est bien connu au sein d'Airbus. Chaque PDG successif s’est attelé à mieux lisser les livraisons sur l’année. Aucun n’y est, pour l’instant, vraiment parvenu.